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Ecclesiae

1 novembre 2014

Doctrine sociale de l'Église

 

Qu'est-ce la Doctrine sociale de l'Église?

DSE

 

 

-      Doctrine ou enseignement ?

Le mot « doctrine » est un mot fort, qui a une signification précise dans le vocabulaire catholique. Il signifie non seulement un enseignement - mot que les papes emploient aussi, car il est vrai - mais cet enseignement repose sur une science véritable, des principes tout à fait universels et intangibles.

Exemple : le principe qui affirme que l’homme est un sujet de droit, qu’il doit être traité comme une fin en soi, car il est revêtu d’une dignité[1] éminente et inaliénable, qu’il n’est ni une chose ni un simple objet de l’Etat ou du capital, n’est pas une simple matière d’enseignement ou un discours contingent. C’est un point de doctrine.

En revanche, les situations auxquelles doivent être appliqués les principes sont contingentes, et c’est ce que reflète mieux le terme « enseignement ». L’enseignement est donné pour qu’on en fasse usage. La DSE est un ensemble de repères donné au citoyen chrétien pour l’aider à agir en tant que tel. Ce terme de citoyen m’amène à la deuxième question :

 

-      sociale ou politique ?

Il faut entendre ces deux termes au sens le plus large possible. « Sociale » renvoie à société. L’homme est un être social, qui vit en relation avec les autres au sein de la société. Sont donc concernées par cet enseignement les relations familiales, économiques, culturelles, internationales et bien entendu les relations politiques. L’une des communautés au sein de laquelle vit l’homme est la « polis » grecque, la cité, qui faisait dire à Aristote que « l’homme est un animal politique ». Aujourd’hui on comprend souvent le terme « politique » au sens restreint comme l’art du possible et des compromis, comme un ensemble de techniques électorales. Si, comme le fait l’Eglise, on l’entend comme Aristote la définissait, c’est-à-dire comme une délibération commune sur la manière dont nous devons vivre ensemble en tant que communauté civile, alors on comprend que les catholiques s’y intéressent de droit. Et qu’il est même impératif et urgent qu’ils le fassent. Il y a une façon de « bien vivre » ensemble, qui n’est pas le fait de simplement se supporter et de vivre sur des compromis : la vie dans la cité vise le « Bien commun » et non le « bien pour soi ». La « politique » dont parle légitimement l’Eglise est celle-ci : comment parvenir au « bien commun »[2]. Elle ne dira jamais : voter pour un tel, ce qui serait faire de la propagande électorale, de la politique au sens détourné du terme. Elle rappelle quels sont les repères à ne jamais perdre de vue pour parvenir au bien commun.

[ je ne m’attarde pas sur les termes de dignité, bien commun et politique qui feront l’objet des prochaines conférences]

 

-      l’Eglise : quelle légitimité à parler de ces sujets ? A qui cet enseignement est-il destiné ?

La DSE est liée au caractère incarné de la religion chrétienne : la sanctification[3] ne passe pas uniquement par la prière verbale ou par les offices religieux ; elle s’exerce concrètement dans chaque chose même la plus banale de notre vie selon la dose d’amour que l’on y met. L’Eglise s’intéresse à tout dans la mesure où la vie chrétienne concerne l’homme dans toutes ses dimensions privée, affective, sociale, professionnelle ou politique. Ainsi il existe une conception chrétienne du travail, de l’économie, des droits de l’homme, de la politique, de l’amour, de l’art, de la femme, de la vie, de la mort.

Saint Jean Paul II devant les évêques américains, le 5 décembre 2004 soulignait « le rôle essentiel et irremplaçable des laïcs » et l’importance de leur formation : « les fidèles apprendront à bien distinguer entre les droits et les devoirs qui leur incombent du fait de leur appartenance à l’Eglise, et ceux qui leur reviennent en tant que membres de la société humaine. Ils doivent s’efforcer de les mettre en harmonie les uns avec les autres se rappelant que, dans toute chose temporelle ils doivent se guider d’après la conscience chrétienne : car aucune activité humaine, même dans les choses temporelles, ne peut être soustraite à l’autorité de Dieu ». La DSE est donc liée avant tout à la finalité propre de l’Eglise : éclairer les fidèles.

Mais l’Eglise est également, comme le rappelait le Bienheureux Paul VI à l’ONU, « experte en humanité ». La DSE n’est donc pas réservée aux seuls fidèles. Comme le souligne le Compendium de la DSE, §9, : « ce document est également proposé à nos frères des autres Eglises et Communautés ecclésiales, aux disciples des autres religions, ainsi qu’à tous ceux, hommes et femmes de bonne volonté, qui s’efforcent de servir le bien commun. » L’Eglise met à disposition de tous les trésors de sa sagesse et de sa connaissance de l’homme, et son expérience bimillénaire. L’Eglise ne fait que reprendre et approfondir à la lumière de la Révélation des principes de justice et de droit inhérents à la nature humaine que connaissaient les sociétés anciennes.

 

-      La DSE est elle une idéologie[4] ?

« La doctrine sociale n’a pas été pensée depuis le commencement comme un système organique, mais elle s’est formée au cours du temps, à travers les nombreuses interventions du Magistère sur les thèmes sociaux. » (Compendium §72)

« [La DSE] n’est pas un système idéologique ou pragmatique visant à définir et à composer les rapports politiques, économiques et sociaux » mais elle est « la formulation précise des résultats d’une réflexion attentive sur les réalités complexes de l’existence de l’homme dans la société et dans le contexte international, à la lumière de la foi et de la tradition ecclésiale. » (idem)

La DSE est le contraire d’une idéologie, car avant d’agir, l’Eglise vit des vérités qu’elle enseigne. Elle ne  plaque pas sur l’homme un discours artificiel conçu dans un cerveau humain… Le discours de l’Eglise découle de son amour pour l’homme et pour le modèle de l’homme qu’est le Christ. L’Eglise part de la réalité de l’homme car elle est l’épouse de l'homme véritable, le Christ, son fondateur. Son discours sur l’homme rejoint celui-ci dans la réalité de sa vie la plus profonde : il est fondé sur une anthropologie, c'est-à-dire une connaissance de la nature humaine, et sur la Révélation divine.

Puisque la DSE puise à ces deux sources que sont la nature humaine et la Révélation, la raison et la foi constituent les deux voies pour la connaître. Les rapports entre foi et raison peuvent être approfondis (cf Jean Paul II, Fides et ratio, 1998) mais il importe ici surtout de souligner à nouveau que « l’accent central mis sur le mystère du Christ n’affaiblit ni n’exclut le rôle de la raison ; il ne prive donc pas la doctrine sociale de sa plausibilité rationnelle, ni, par conséquent, de sa destination universelle. » « La doctrine sociale est une connaissance éclairée par la foi, qui – précisément en tant que telle – exprime une plus grande capacité de connaissance. A tous, elle rend compte des vérités qu’elle affirme et des devoirs qu’elle comporte : elle peut être accueillie et partagée par tous. » Compendium  §75

 Dans cette perspective, « aucune ambition terrestre ne pousse l’Eglise ; elle ne vise qu’un seul but : continuer, sous l’impulsion de l’Esprit consolateur, l’œuvre même du Christ, venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour sauver, non pour condamner, pour servir, non pour être servi » (Gaudium et spes 3)

 

La doctrine sociale de l’Eglise n’est donc pas un ensemble de prescriptions intangibles dont se déduirait nécessairement à tout coup une solution certaine, nous le verrons en étudiant brièvement son histoire (I). Elle défend un certain nombre de valeurs imprescriptibles et universelles, mais en tenant compte des circonstances historiques et des domaines concernés (II). On peut pour résumer dire que connaître la DSE revient à apprendre une méthode : acquérir des connaissances et observer, pour se former un jugement qui permet enfin d’agir de façon juste (III).

A suivre...

 

 Union de prière

Père Arsène Bytti

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] « La dignité de la personne humaine s'enracine dans sa création à l'image et à la ressemblance de Dieu » CEC 1700

« La justice sociale ne peut être obtenue que dans le respect de la dignité transcendante de l'homme. La personne représente le but ultime de la société, qui lui est ordonnée:

La défense et la promotion de la dignité humaine nous ont été confiées par le Créateur. Dans toutes les circonstances de l'histoire les hommes et les femmes en sont rigoureusement responsables et débiteurs (SRS 47).

Le respect de la personne humaine implique celui des droits qui découlent de sa dignité de créature. Ces droits sont antérieurs à la société et s'imposent à elle. Ils fondent la légitimité morale de toute autorité: en les bafouant, ou en refusant de les reconnaître dans sa législation positive, une société mine sa propre légitimité morale. Sans un tel respect, une autorité ne peut que s'appuyer sur la force ou la violence pour obtenir l'obéissance de ses sujets. Il revient à l'Eglise de rappeler ces droits à la mémoire des hommes de bonne volonté, et de les distinguer des revendications abusives ou fausses. » CEC 1929 1930

[2] Voir Marcel Clément, Du Bien commun, Editions Paroisse.com

Le bien commun est le bien du tout qu’est la société. Ni intérêt de tous (somme des intérêts de chacun) ni intérêt général (intérêt du tous qu’est la société), car intérêt signifie moyen sans donner de réponse quant à la fin à atteindre.

[3] L’homme créé à l’image de Dieu est appelé à ressembler de plus en plus au Christ, Dieu fait homme. Cela exige bien sûr la conversion intérieure, mais « la priorité reconnue à la conversion du cœur n’élimine nullement, elle impose au contraire, l’obligation d’apporter aux institutions et aux conditions de vie, quand elles provoquent  le péché, les assainissements convenables pour qu’elles se conforment aux normes de la justice, et favorisent le bien au lieu d’y faire obstacle » Compendium  §42

[4] Un système d’idées et une conception du monde auxquels on cherche à conformer le réel. Les hommes et les choses doivent être conformes à ce système ou bien en être écartés, c'est-à-dire le plus souvent éliminés.

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1 novembre 2014

Annonces

A l'issu de la troisième assemblée synodale tenue à Rome au sujet de la famille, le père Arsène BYTTI organise une conférence  très bientôt à la cathédrale St Jean-Marie VIANNEY d'Agboville. vous aurez les détails dans les jours suivants. 

infoline: 09 22 45 39

Fraternellement!

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